Ficelle n° 59 : Apprendre de ses échecs

« Essayer encore. Rater encore. Rater mieux » (Samuel Beckett)

 

Nul n’est parfait, c’est bien connu. Tous, nous portons vaille que vaille le poids de nos échecs et de nos déceptions. Quoiqu’on fasse ou dise, notre ombre nous accompagne partout, comme un manteau. On peut s’en plaindre sans arrêt. Mâcher, remâcher des vieilles rancoeurs, devenir une statue de larmes et de regrets. Vivre avec un perpétuel goût de cendre en bouche.  On peut même devenir un être de ressentiment, figé en un passé décomposé, toujours en recherche d’un bouc émissaire pour expliquer la raison pour laquelle nous avons échoué. Sentir s’infecter de plus en plus une blessure qui ne passe pas.

 

Nul n’est parfait, certes, mais personne n’est complètement nul. Il s’agit d’apprendre de ce qui n’a pas marché, de faire de nos chutes et rechutes de nouveaux motifs de lutte. Parce que l’échec peut être une opportunité à saisir et l’impasse  nous pousser à créer de nouveaux chemins de sens. « Il y a tant d’envies, tant de rêves qui naissent d’une vraie souffrance » chantait Jean-Jacques Goldman. Accepter la réalité de l’échec, c’est se donner la chance de rebondir. Plus haut, mieux. Autrement. Ou ailleurs, parfois. C’est apprendre à se connaître, avec ses forces et faiblesses, vivre une vie à sa juste mesure. Celle qui nous donnera d’oser une parole qui ne soit pas une simple répétition, mais provienne vraiment du fond de nous.

 

Nul ne peut être totalement connu et c’est parfait. Chacun garde toujours une part de mystère. Trop souvent nous cherchons, comme Lucky Luke, à tirer plus vite que notre ombre, à la prendre de vitesse. Nous nous battons si souvent en duel contre nous-mêmes. Nous voudrions tout maîtriser, posséder, corriger. Mais la volonté ne peut pas tout et les humains restent ce qu’ils sont : un peu fous et incorrigibles, ombres chinoises aux contours bizarroïdes, êtres de clair et d’obscur. Tant mieux : Que serait une vie, un travail, où tout serait implacablement tranché,  seulement noir ou blanc, sans le jeu des couleurs, la subtilité des milles nuances de gris ? Comment pourrions nous évoluer sans tous ses tours, détours et contours qui nous définissent, nous donnent la capacité d’avancer et celle, tout aussi précieuse, d’accepter que les autres sont comme ils sont et pas comme nous les rêvons? Quand nous fantasmons une transparence totale, nous oublions que son aveuglante lumière nous rendrait invisible (Dire de quelqu’un qu’il est transparent est rarement un compliment.). Or, chacun de nous a besoin d’être reconnu et non d’être anonyme. L’ombre est le théâtre de la lumière.

 

Nul n’est parfait, bien sûr, et cela n’a aucune importance. Chacun peut apprendre de ses échecs qu’il peut donner bien plus, ou bien mieux, qu’il ne le pense. Qu’il peut se vivre comme le lieu de tant de possibles. Peut-être s’agit-il moins de toujours se dépasser que d’apprendre à s’approfondir.