Ficelle n°111 : Le cadre et l’horizon

Elle est toujours un brin en avance. Elle patiente dans la voiture en répondant à ses mails ou en appelant le bureau pour voir si tout va bien. En sortant, elle n’omet jamais de regarder dans le rétroviseur, au cas où son chemisier serait tâché ou sa coiffure en désordre. Elle marche d’un pas rapide et précis, salue poliment d’un signe de la tête tous les gens qu’elle croise. Elle déteste l’imprévu, est fiable, veut toujours faire les choses jusqu’au bout. Elle a, souvent, mal à l’estomac.

Il arrive tout juste ou même la seconde d’après, toujours dans une ambiance d’exaltation ou de fin du monde. Il est peut-être venu à vélo, en métro ou même à pied. Il peine à reprendre son souffle, mais veut déjà commencer à parler. Il porte un sac dont on peine à croire qu’il a eût une forme, d’où tentent, opiniâtrement, de s’échapper une foule de dossier. Il lit des livres qui parlent de planètes improbables, aime les jeux de mots, les regards blessés, les gens qui cherchent je ne sais quoi ou qui. Sur son tee-shirt ou sa veste, on voit des miettes du petit déjeuner. Il se délecte de l’imprévisible, même si souvent, une étrange angoisse le saisit. Il a, parfois, le cœur qui bat vite ou la tête qui tourne un peu.

Elle cherche un cadre, lui un horizon.

Elle sourit parfois, guère plus, maitrise bien tous les dossiers. Elle parle performance, prévisions, audit et évaluation. Elle a besoin de savoir qu’on l’a comprise et écoutée. Elle s’agace discrètement devant la pile de dossier de l’autre qui, lui, semble parfois être dans une réalité parallèle. Qui rit ou qui interrompt, qui peine à s’expliquer. Quand il parle, c’est toujours trop long, mais où veut-il nous emmener ? Elle craint qu’elle se termine en queue de poisson sa fameuse pêche aux idées !

L’un est être de vision, l’autre de sécurité.

Ils peinent à s’entendre, à se comprendre, à s’apprivoiser : elle, elle est trop anguleuse, lui difficile à freiner. Ils sont comme les deux facettes d’un humain réconcilié, capable d’habiter un cadre sans s’y laisser enfermer.

Et vous ?

Etes-vous soucieux des règles ou épris de liberté ? Une chose est sûre en tout cas : On a besoin des deux pour mieux pouvoir avancer. Un cadre sans horizon, c’est une maison de sureté mais un horizon sans cadre c’est une maison de flou.

Moralité : Tout être donne ce qu’il peut mais puissions-nous les aider chacun le donner.