Ficelle n°108 : Quand les mots manquent…

Cela nous guette tous, devant l’ordinateur ou la feuille de papier désespérément immaculée, dans notre travail ou notre vie privée : l’angoisse de la page blanche. Pas moyen de trouver les mots ; l’impression que tout se délite,  que le vocabulaire nous abandonne, que les mots manquent. On tourne comme un lion en cage, hanté par les idées qui refusent de sortir et qui s’agitent à l’intérieur. Brouhaha aphone, tambouille de sons avortés. Quand les mots deviennent des maux.

Souvent, dans ces cas, on s’accroche : On essaye encore et encore, comme Sisyphe condamné à hisser au sommet d’une montagne un immense rocher qui, immédiatement, inexorablement, va dégringoler. L’angoisse monte : « Et cette réunion importante, ce moment capital où je dois m’exprimer, etc… » On se bloque, on s’énerve, on s’accroche au désastre que l’on pressent de plus en plus inévitable. Waterloo morne plaine. Obstination stérile.

Il faut sans doute accepter ces temps d’indicible, les vivre comme un cadeau. Une occasion de reprendre souffle. Quand les mots manquent, que nous disent- ils par leur silence ?  Peut-être qu’il est temps de reprendre souffle, de nous éloigner à nouveau des slogans et autres paroles prononcées à l’emporte pièce. Qu’un arrêt est nécessaire. A moins qu’ils ne nous annoncent par leur mutisme, qu’il nous faut parler moins mais changer de posture, poser une acte, ou tout simplement faire appel à d’autres. Savoir demander de l’aide est parfois aussi important que de vouloir tout contrôler.

Quand les mots manquent, il nous faut accepter d’habiter ce manque, cette absence, cette résistance de la vie. Redécouvrir nos limites, non pas comme une malédiction mais comme la preuve de notre singularité.

Quand les mots manquent, il faut accepter d’écouter. Pour qu’ils reviennent d’on ne sait où, dans une parole habitée pour permettre à d’autres, à leur tour, de parler.