Ficelle n° 92 : La montre dans la boue

Imaginez : Vous perdez votre montre dans une eau boueuse. Spontanément, la panique, le désir de la retrouver, vous feront agiter l’eau frénétiquement pour pouvoir mettre au plus vite la main dessus. Résultat : L’eau se trouble, l’objet convoité devient de moins en moins visible ; ce qui vous pousse à remuer de plus en plus le liquide, rendu de ce fait même sans cesse davantage opaque, etc, etc... Cercle vicieux.

La panique provoque la panique. Elle est ce qu’on appelle un sentiment auto-renforçant. Tout comme la peur, ou le ressentiment. Il existe une autre manière de faire. Plus difficile au début mais incroyablement plus douce et féconde : Quitter l’immédiateté. Prendre du recul, laisser passer du temps. Revenons à notre montre : Si, stoppant net le réflexe angoissé qui s’empare de nous, nous arrivons à nous reculer de deux pas et commençons à regarder le plus posément possible la situation, nous supprimerons à la fois notre trouble et celui de l’eau. Nous y verrons plus clair et aurons toutes les chances de retrouver l’objet perdu.

Simple question de bon sens me direz-vous ? Peut-être. Mais à notre époque, empreinte de frénésie et dominée par le souci de l’efficacité à court terme, ce mouvement d’arrêt n’est plus spontané. Tout nous porte au contraire à vouloir la rapidité, la flexibilité totale, le rendement immédiat. Au risque, à trop vouloir gagner du temps, de nous retrouver aux prises avec des effets pervers qui vont nous retarder bien plus. Et relancer la machine de l’angoisse, encore et encore.

Quoiqu’on puisse en penser, nous ne serons jamais les maitres absolus du temps et des évènements. Il y aura toujours de l’imprévu, de l’imprévisible, des effets inattendus. De l’immaitrisable. Croire l’inverse ne peut que nous pousser à nous perdre dans une course vaine vers un succès qui risque de n’être que le nom donné au fond à une sourde anxiété, que rien ne semble pouvoir faire passer.

Concrètement : Dans mon entreprise, comment marier efficacité et respect des choses telles qu’elles se donnent ? Comment ne pas être paralysé par le sentiment d’urgence qui domine si souvent nos sociétés ? Et si, mentalement, avant de prendre une décision, avant de réagir à chaud, nous nous efforcions de compter jusque 10, histoire de laisser un peu de temps passer ? Pour être plus lucide, moins capté par l’immédiateté. Pour pouvoir faire montre de davantage de sang froid !